L’hypothèse collaborative à l’épreuve : un séminaire enquête

Depuis 6 ans le séminaire Constellations-Architectures du commun (Ensa Paris-Val de Seine), et avec lui le réseau Polygonale, sont engagés dans un cycle sur le commun. Celui-ci permet d’envisager sans parti pris – à l’appui des théories économiques, politiques, juridiques adaptées – les expériences alternatives de production du territoire, de l’urbain, de l’architecture.

Au printemps 2022, le séminaire étudiait les alternatives architecturales contemporaines, ou « les formes autres de maîtrise et de déprise d’œuvre » incarnées par les collectifs d’architectes, sous ce spectre économique, sociétal, politique des écologies du commun. Dans le premier temps du semestre était proposée à titre d’expérience et d’apprentissage, une recherche collaborative à laquelle l’ensemble de l’effectif était associé. Tandis que dans un deuxième temps, les étudiants/étudiantes auront été amenés à produire un projet de mémoire individuel sur les bases ouvertes de recherche-action, d’une recherche-fiction, ou de formes plus académiques questionnant le modèle hypothético-déductif.

Lors de cette année 2022, consacrée aux collectifs, l’équipe du séminaire s’est appuyée sur L’Hypothèse collaborative[1], soit un ouvrage de recension et d’enquête sur ce phénomène, qui aura été déconstruit et reconstruit en le complétant et l’amendant, en en explicitant la structure, voire le sous-texte doctrinal, tel un codex annoté par l’analyse théorique et critique – tout en entrant en relation avec la diversité des formes de production de ces équipes. 

Ainsi cette recherche a-t-elle d’abord consisté à catégoriser les pratiques de ces collectifs, dans le foisonnement écopolitique sans doute des plus inédits qui est le leur : activités de recherche (diagnostics interdisciplinaires de situations socio-urbaines, documentations d’expériences construites, etc.), relation à la fabrication (expérimentations échelle 1, travail de la ressource en circuits courts, auto-construction, etc.), sollicitation des usagers et citoyens (participation, co-construction, médiation, formation, diffusion, etc.). Cette investigation aura consisté aussi à interroger la raison d’être des collectifs – leur capacité à faire manifeste et faire communauté, soient leurs déclaratifs, mais aussi leurs conditions d’existence humaine et matérielle – à interroger leurs formats, soit leur capacité à se constituer juridiquement et économiquement en relation à la théorie des communs (associations, coopératives, Scic – régimes de l’ESS, etc.) – enfin leur capacité, en une pratique se risquant le cas échéant à la maîtrise d’œuvre, à se poser néanmoins comme alternatives au système de production libéral. 

La visée de cette recherche collective en séminaire, c’est bien la participation à cette rencontre annuelle inter-écoles qu’est Polygonale, où visites sur site de telles expériences et échanges de recherche « à table » sont convoqués à parité, dans une séquence de forte intensité longue de trois journées. Nous croyons à l’originalité de ce format hybride questionnant la pédagogie, la recherche et la pratique, en plaçant à parts égales paroles étudiantes et enseignantes, et praticiennes. Cet exercice de recherche impliquée (qu’elle soit d’action, de création, en R&D, ou par le projet) fait avoisiner ses attendus avec ceux, en quelque sorte, d’une (pré)session plutôt joyeuse d’habilitation à la vie professionnelle (ou Hmonp, pour habilitation à l’exercice de la maîtrise d’oeuvre en nom propre) – qui donne des raisons de croire, pour nos étudiants, à des engagements conformes à leurs attentes à la sortie des études. 

Emmanuel Doutriaux & Carolina Menezes-Ferreira


[1] Atelier Georges [L’], Rollot Mathias, L’hypothèse collaborative : Conversation avec les collectifs d’architectes français, Hyperville, 2018

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